ChronoMath, une chronologie des MATHÉMATIQUES
à l'usage des professeurs de mathématiques, des étudiants et des élèves des lycées & collèges

 Méthodes de fausse position (regula falsi)

On appelle ainsi une méthode de résolution algébrique (regula) consistant à fournir une solution approchée (falsi) conduisant, par un algorithme approprié tirant parti de l'écart constaté, à la solution du problème considéré.

Cette méthode est très ancienne : elle semble prendre sa source 2000 ans avant J.-C. On la trouve dans les papyrus de l'Égypte ancienne comme le papyrus Rhind et le payrus de Moscou. On la retrouve également dans la mathématique chinoise quelques siècles avant J.-C. puis chez les mathématiciens Indiens, puis arabes (comme Al-Khwarizmi, Abu Kamil, Al-Banna) et enfin en Occident (Fibonacci, Pacioli, Recorde, ...). Plus récemment, la méthode de Jacobi pour la résolution des systèmes d'équations linéaires, relève de cette méthode.

La résolution de l'équation ax = b nous apparaît comme triviale mais il y a 4000 ans, le calcul fractionnaire et le symbolisme algébrique n'étaient pas vraiment au point... En fait, le problème n'est alors pas dans la résolution même de l'équation mais dans la mise en équation et la difficulté d'aboutir -à défaut d'une démarche algébrique pratique- à la forme simple :

ax = b

qui n'est autre que l'écriture d'une division x = b/a. Le problème est donc de trouver le nombre a car Ahmes savait fort bien effectuer multiplications et divisions quitte à utiliser une décomposition en fractions unitaires.

   Il fallut attendre le 14è siècle avec Oresme pour un usage aisé des opérations fractionnaires, puis Pacioli et Chuquet suivis des grands algébristes Cardan et Bombelli pour la mise en place d'un début de symbolisme algébrique efficace. Tout sera dit (ou presque) avec Descartes.

Eu égard à l'époque considérée, cette méthode de résolution procède d'une géniale pensée. Voici le problème 24 du papyrus Rhind :

Un nombre ajouté à son septième donne 19

En notation algébrique moderne :

De nos jours, l'équation se ramène à 8x/7 = 19 : forme ax = b. L'idée première est de se débarrasser du dénominateur gênant en choisissant 7 comme solution "approchée" (fausse position) : le scribe obtient 8 dans le calcul du nombre augmenté de son septième. Il utilise ensuite implicitement l'algorithme suivant (x' = 7, c = 8) :

Le problème revient donc à la recherche d'une quatrième proportionnelle :

que l'on résout facilement, de nos jours :

? = x' × (b ÷ c)

Ahmes expose exactement cela : il divise 19 par 8, ce qui lui fournit 2 + 1/4 + 1/8 et multiplie le tout par 7 = 1 + 2 + 4, ce qui fournit (2 + 1/4 + 1/8) + (4 + 1/2 + 1/4) + (9 + 1/2), soit 16 + 1/2 + 1/8.

Multiplication et division selon Ahmes : »
Fausse position double :

Pour la résolution d'une équation plus subtile, susceptible cependant de se ramener à la forme ax + b = c (voire un système d'équations linéaires à deux inconnues), une méthode dérivée dite de double fausse position fut utilisée par les mathématiciens Indiens et largement diffusée par les mathématiciens arabes pour la résolution de systèmes linéaires à deux inconnues. On "joue" sur deux solutions dont l'une est déficiente, l'autre excédentaire :

Illustrons par un exemple simple :

Un nombre ajouté à sa moitié et à son tiers donne 19

En notations d'aujourd'hui : x + x/2 + x/3 = 19

La solution est alors :

Explication :       

Les justifications des mathématiciens qui utilisèrent ce procédé reposaient généralement sur des considérations géométriques d'aires proportionnelles. On trouvera en référence 2 un développement très complet de la méthode. Donnons ici une preuve analytique :

Notre équation peut théoriquement (en acceptant de manipuler les nombres négatifs) se ramener à la forme moderne ax + b = 0. Le schéma ci-contre nous permet d'écrire selon la propriété de Thalès :

(les écarts sont comptés positivement). Nous faisons le produit en croix et obtenons la solution :

On voit l'analogie avec les méthodes d'interpolation linéaire et l'on peut dire pour conclure cette page que les méthodes de fausse position ont guidé tous les mathématiciens jusqu'à nos jours.

Citons, entre autres sur ChronoMath : la méthode des sécantes de Lagrange, la méthode des tangentes de Newton, la méthode des approximations successives de Jacobi (dite aussi de Gauss-Seidel) et, plus récemment, des algorithmes de résolution programmés sur ordinateur.

La résolution de l'équation de la forme ax + b = 0 par interpolations linéaires est une méthode de double fausse position : soit à résoudre l'équation f(x) = 0 avec f(x) = 2x - 3. En partant de -1 et 2 encadrant la solution (ou tout autre encadrement comme 0 et 2), les écarts (en valeur absolue) sont respectivement de 5 et 1. La solution est évidemment trouvée en 1 seule itération puisque f est une application affine et correspond à la formule énoncée de double fausse position ci-dessus :

x = (-1 × 1 + 2 × 5)/(5 + 1) = 9/6 = 3/2
 

    Pour en savoir plus :


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